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5 avril 2008 6 05 /04 /avril /2008 08:12
Article paru dans le Canard enchaîné du 2 avril 2008.
Signé : Professeur Canardeau.

Elle n'en finit pas de finir cette marée noire dans l'estuaire de la Loire. Elle date du dimanche 16 mars. Et c'est maintenant la plage de La Baule qui est touchée...Pourquoi en faire tout un plat ? C'est la faute à pas de chance, voyons. Et puis c'est encore à cause de Total. On s'habitue. Ce serait Shell ou BP, peut-être qu'on s'y intéresserait plus. Ajoutons qu'il ne s'agit que de 400 tonnes de fuel lourd échappées d'une raffinerie. Soit trente fois moins que l'Erika !

Certes, il suffit d'une tonne pour saloper tout le coincetot, mais bon. Et puis Total a présenté ses excuses. Et a promis de nettoyer, et de rembourser les dégâts. Donc tout va bien, non ?

Comme d'habitude le pétrolier a commencé par minimiser la chose. C'est "un petit incident", ne vous inquiétez pas, on s'en occupe. Attitude classique chez Total : c'est le contraire qui nous aurait étonnés. Du coup, le ministre Borloo a émis une légère crtitique à l'endroit de la multinationale la plus bénéficiaire du CAC 40 : "Total n'a pas apprécié l'ampleur du sinistre". Quelle méchanceté. Quelle pertinence !  On voit que le Grenelle est passé par là.

La préfecture de Loire-Atlantique s'est empressée d'affirmer, elle, que la pollution était quasiment terminée. La centaine de pêcheurs réduits depuis plusieurs jours à l'inactivité, le président de la Ligue de protection des oiseaux Alain Bougrain Dubourg, les paludiers, les écolos, tous ont dit le contraire.

Cette marée noire a pourri les berges pour longtemps, dégueulassé des vasières et des roselières (lieux couverts de roseaux) très difficiles à nettoyer, puis a remonté l'estuaire et multiplié les dégâts. Mais pourquoi en faire tout un plat ? Au fond, ce ne sont que des dégâts collatéraux. Total ne sponsorise-t-il pas l'opération "Planète Terre" de l'UNESCO ? Ainsi que l'ami de la planète Jean-Louis Etienne, qui va se promener au-dessus du pôle Nord en montgolfière ?

Au fond, plus vert que cette marée noire, y a pas.

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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 11:36

 

Monsanto : enquête sur la manipulation
 

Dans son livre-enquête et son documentaire, Le Monde selon Monsanto, qui sera diffusé le 11 mars sur Arte, la journaliste d'investigation Marie-Monique Robin recompose une réalité sur Monsanto, que la multinationale américaine est passée maître à camoufler. Difficile de ne pas ressortir effrayé par la litanie de scandales que traîne la firme de biotechnologie américaine. Elle est à l'origine des PCB, produits toxiques que l'on retrouve un peu partout dans la chaîne alimentaire, et qui continueront à  empoisonner le sol et l'eau encore longtemps malgré leur interdiction. C'est elle aussi qui créa le Roundup il y a trente ans et dont les études le soupçonnant de faciliter le cancer ne l'empêchent pas d'être le premier pesticide vendu au monde. Il " induit les premières étapes provoquant le cancer", conclut le professeur Robert Bellé du CNRS au sujet d'une expérimentation sur les oursins. " On en verra les conséquences dans 30 ou 40 ans ". De nombreuses autres substances très controversées sinon interdites sont au palmarès des créations de Monsanto : l'aspartame, l'hormone de croissance bovine RBGH ou l'agent orange.

Manipulation des informations


Pour son enquête, Marie-Monique Robin s'est appuyée avant tout sur des documents déclassifiés, suite aux procès dont Monsanto a fait l'objet. La plupart sont en ligne. La journaliste a passé trois ans à les éplucher, vérifier les sources, avant d'aller sur le terrain, aux quatre coins du monde, interroger et filmer les auteurs des documents compromettants et les victimes de la société américaine.

Il en ressort que pour plusieurs produits incriminés, la compagnie avait menti sciemment, cachant des informations sur leur dangerosité. Ainsi Anniston, ville voisine de Monsanto aux Etats-Unis, où la firme avait un dépôt de PCB, est  aujourd'hui désertée tant d'habitants sont morts d'intoxication. Ceux qui y vivent encore ont un taux de PCB dans le sang si élevé qu'ils guettent le cancer d'un jour à l'autre. Et pourtant, un document prouve que dès 1937, les effets toxiques des PCB étaient connus des créateurs. Sur l'agent orange, un défoliant de la firme, tristement connu pour son utilisation désastreuse pendant la guerre du Vietnam et qui continue de faire des victimes, l'Agence de Protection de l'Environnement américaine (l'EPA) a montré que Monsanto avait manipulé les études pour conclure que la dioxine de l'agent orange n'était pas cancérigène pour l'homme.

Pour le scandale d'Anniston, les habitants ont obtenu 720 millions de dollars de dommages et intérêts. Mais que représente cette somme face aux profits de la multinationale ? Ou encore face à la pollution généralisée sur la planète entière ? (on retrouve des PCB dans la graisse de phoque du pôle Nord et dans le sang de tout individu) De plus, aucun dirigeant de l'entreprise n'a été poursuivi. A propos du Roundup, Monsanto a été condamnée deux fois pour publicité mensongère et ne peut simplement plus indiquer " biodégradable " sur le produit. Sur l'affaire de l'agent orange, 26 Vietnamiens ont été débouté de leur recours devant la justice américaine le mois dernier encore. " Personne n'a enquêté sur le sérieux de l'étude d'immunité menée par Monsanto " déclare un responsable de l'EPA. " La seule personne inquiétée a été Mme Jenkins, lanceuse d'alerte" . En outre, les données brutes de l'étude de Monsanto sur les rats restent inaccessibles...


Hégémonie


Finalement, malgré ces " péripéties ", Monsanto continue son développement depuis 1901 sans trop de tracas. Présente dans 46 pays, avec 17500 salariés et un chiffre d'affaires de 7,5 milliards en 2006, elle est notamment aujourd'hui le leader mondial des OGM. Sur son site Internet et dans ses publicités, elle se présente comme une entreprise " des sciences de la vie ", récemment convertie au développement durable.

La firme n'a pas souhaité participer au documentaire de Marie-Monique Robin, ni y répondre par le biais de cet article, par exemple. La journaliste guette pourtant sur la toile une réaction, de la part de l'entreprise professionnelle de la manipulation. Monsanto a été démasquée derrière des e-mails de pseudo-scientifiques qui visaient à décrédibiliser une enquête scientifique, publiée dans Nature, établissant la contamination du maïs mexicain d'Oaxaca par des OGM. Car tel est l'autre scandale très actuel soulevé par le livre et le documentaire : l'hégémonie qu'est en train de prendre Monsanto sur les semences du monde. " Une cinquantaine de compagnies ont été rachetées dans le monde par Monsanto, de toutes sortes de semences alimentaires et de coton ". En Inde, il devient difficile de trouver du coton non OGM, or ces semences brevetés coûtent quatre fois plus cher et ne nécessitent pas moins de pesticide comme le prétend Monsanto. Le coton BT a même été ravagé par une maladie en 2006, entraînant la faillite et le suicide de 680 paysans indiens en six mois. Au Paraguay, au Brésil et aux Etats-Unis, les agriculteurs se retrouvent avec des champs contenant des OGM sans l'avoir voulu et doivent payer des royalties à Monsanto. Cette main mise sur la nourriture est effrayante. D'autant plus qu'aucun consensus scientifique n'existe sur l'innocuité des OGM. Le documentaire montre que la perméabilité d'instances de régulation américaines comme la FDA (Food and Drug Administration) aux intérêts de la multinationale est responsable d'une législation laxiste, qui ne fait aucune différence entre les plantes OGM et les plantes croisées de façon classique. Comme le révèle James Maryanski, de la FDA, ce principe " d'équivalence en substance " a été " une décision politique et non scientifique ". Voilà de quoi faire réfléchir nos sénateurs et députés sur la crédibilité à apporter aux études de Monsanto.



Le Monde Selon Monsanto, Marie-Monique Robin, Arte Editions/ La Découverte



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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 12:15

2050 : « Entre l’Humanité et la biodiversité, il faudra choisir ! »

En 2050, l’alimentation de la population se fera inévitablement au détriment de la biodiversité. C’est ce que prévoit Ghislain de Marsily, spécialiste de l’hydrologie, membre de l’Académie des sciences, pour qui le principal défi du XXIe siècle sera de trouver un milliard d’hectares de terres arables supplémentaires pour nourrir une population de 11 milliards d’habitants en 2050. Pour lui, l’Amérique latine est toute désignée pour devenir le grenier de la planète, à condition qu’une partie de ses espaces naturels soit défrichée. Le scientifique invite à une réflexion sur les limites qu’il conviendra de donner à cette inévitable conquête de nouvelles terres. 

Dans un contexte de réchauffement climatique et de forte croissance démographique, quel est le principal problème auquel sera confrontée l’Humanité au XXIe siècle ?

Le problème numéro un, ce sera de nourrir une population qui va passer de 6,5 à 9 milliards d’habitants d’ici à 2050, et peut-être même à 11 milliards. A l’heure actuelle, on a déjà 856 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim, et, alors que ce chiffre ne cessait de diminuer depuis quelques années, il est reparti à la hausse depuis quatre ou cinq ans, ce qui est particulièrement préoccupant. La façon dont on va réussir à nourrir ces 9 milliards d’habitants va dépendre en grande partie des habitudes alimentaires qui se seront imposées en 2050. Dans un monde qui devient de plus en plus carnivore, en raison de l’aspiration légitime des pays du Sud à une alimentation carnée, la donnée déterminante sera la quantité de grain disponible pour le bétail. Donc, à l’échelle de la planète, la grande question est : les terres agricoles seront-elles suffisantes pour produire assez de céréales ?

La question de l’eau n’est-elle pas aussi fondamentale ?

Il est vrai que s’il faut quasiment 1000 litres d’eau pour produire un kilo de pain, il en faut 13 fois plus pour produire un kilo de viande de bœuf. Mais l’eau ne constitue pas vraiment un problème. Car, si les prévisions de hausse des températures globales sont à peu près certaines, leurs conséquences hydriques sont, elles, très incertaines. On suppose qu’il y aura une extension vers le Nord des zones désertiques dans l’hémisphère Nord, et une extension vers le Sud de ces zones dans l’hémisphère Sud. On sait aussi que les zones méditerranéennes seront moins arrosées. Mais, à l’échelle de la planète, on aura surtout de fortes variations saisonnières des précipitations, avec des périodes plus sèches, et d’autres plus arrosées. Les conséquences du changement climatiques ne seront donc vraiment significatives que lors des années extrêmement sèches ou extrêmement humides. Ce qui veut dire que, la plupart du temps, on aura suffisamment d’eau, y compris pour l’agriculture. Ne serait-ce que parce que l’eau pluviale peut apporter chaque année aux cultures l’équivalent de 5000 km3, soit beaucoup plus que l’irrigation, qui représente 1800 km3 par an. Donc, le problème, ce n’est pas l’eau, ce sont les terres cultivables.

Quel est le problème avec les terres cultivables ?

Leur disponibilité. Pour nourrir l’Humanité en 2050, il faudra multiplier par 2,3 la production agricole de l’Asie, par 5 celle de l’Afrique subsaharienne, par 1,92 celle de l’Amérique latine…Comment faire ? Pas par l’irrigation : il faudrait multiplier par dix le rythme actuel de construction des barrages, ce qui est irréalisable. On pourrait certes augmenter les rendements agricoles, mais la marge de progression est insuffisante. Il faut donc trouver de nouvelles terres arables, si possible arrosées naturellement par les pluies. Il faut un milliard d’hectares en plus ! C’est possible, à condition de renoncer à l’idée que les Etats et les continents peuvent être autosuffisants sur le plan alimentaire. Si on s’accorde sur ce point, il y a une solution évidente : l’Amérique latine. Peu peuplé et fertile, ce continent pourrait nourrir une bonne partie de l’Humanité. A condition, bien sûr, d’accepter d’étendre l’agriculture à des terres « pluviales » encore sauvages. Le problème vaut aussi bien pour l’Amazonie que pour d’autres réserves naturelles de la planète qui pourraient subvenir aux besoins alimentaires de l’Humanité. Il faut que les choses soient claires : on ne pourra pas nourrir la planète sans réduire la place de la biodiversité, sans déboiser, drainer, couper…Il faut commencer dès aujourd’hui à réfléchir aux zones que l’on peut sacrifier à cet impératif, mais aussi se demander : si on rase toutes les forêts, est-ce qu’on pourra survivre ? Il est probable que non. Il faut donc absolument préserver une partie importante de la biodiversité, et réfléchir aux limites qu’il convient de donner à la conquête de nouvelles terres. En parallèle, il serait judicieux de se reposer la question de l’extension des surfaces allouées aux biocarburants : on ne pourra pas en même temps produire du carburant végétal et nourrir l’Humanité.

Les spécialistes des géosciences, réunis les 12 et 13 février à Paris dans le cadre du lancement de l’ « année internationale de la Terre », peuvent-ils aider les gouvernements à prendre des décisions plus éclairées ?

Absolument. Géographes, géologues, pédologues, agronomes devraient jouer un rôle croissant dans ce type de réflexion. Ils sont les mieux à même de déterminer l’emplacement des meilleures terres, de protéger celles-ci de l’érosion naturelle ou de la salinisation, d’identifier les sites les plus propices à la construction de barrages ou au pompage d’eau… Les géoscientifiques sont aussi bien placés pour prévenir les grandes catastrophes, notamment alimentaires. Et il y a de quoi être inquiet. Deux fois par siècle, en moyenne, des sécheresses catastrophiques provoquent un peu partout sur la planète des famines terribles. C’est inévitable, et ça peut se produire n’importe quand : dans vingt ans, dans dix ans, l’an prochain…Dans ce dernier cas, on serait en très mauvaise posture : nous n’avons que deux mois de stocks mondiaux de nourriture ! Le rôle des sciences de la Terre, c’est donc d’étudier ces risques, de trouver des solutions pour produire en temps de sécheresse, ou d’imaginer une gestion des eaux à long terme, par exemple par un stockage qui permettrait de faire face aux menaces à venir.


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10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 20:48

En grève de la faim depuis début novembre, Mgr Luiz Flavio Cappio, tient tête à Lula sur les dangers liés au projet de transposition du fleuve Sao Francisco.

Devant la petite chapelle de Sobradinho, surplombant le rio Sao Francisco, plusieurs centaines de personnes forment une longue file d’attente. Les mines sont graves et les conversations à voix basse oscillent entre admiration et colère. À l’intérieur de l’édifice, assis dans la sacristie, Mgr Luiz Flavio Cappio reçoit ses visiteurs du jour, anonymes ou pas, avec une égale gentillesse. Le visage éclairé par un sourire un peu las, il les salue un à un, donne parfois sa bénédiction, mais reçoit surtout des marques d’encouragement et de soutien. « Nous sommes avec vous » ; « votre combat est digne et respectable » ; « grâce à vous nous ferons plier Lula » ; « merci de lutter pour nos vies et celles de nos enfants » ; « vous êtes un saint »... À ceux qui s’inquiètent pour sa santé, l’évêque de Barra, une petite ville située dans l’État de Bahia au nord-est du Brésil, répond : « Si physiquement je me sens affaibli, mon esprit, lui, est fort. » Avant d’ajouter sur un ton très ferme : « Cette fois-ci, je ferai la grève de la faim tant que le projet de transposition du fleuve Sao Francisco ne sera pas abandonné. Et je suis prêt à mourir pour ça. »

Deux ans après un premier jeûne de onze jours (1), Mgr Luiz Flavio Cappio a donc décidé d’observer une nouvelle grève de la faim. Objectif ? « Alarmer encore une fois l’opinion publique sur les dangers liés au projet de transposition du fleuve Sao Francisco », le troisième cours d’eau le plus important du pays, long de 2 600 km et traversant cinq États. Mais aussi appeler le président Lula à respecter son engagement d’ouvrir un débat public sur les enjeux et les conséquences de tels travaux. Destiné officiellement à « acheminer l’eau potable à 12 millions de Brésiliens vivant dans la région semi-aride pour faciliter le développement économique de la région » grâce à la construction de deux canaux principaux se subdivisant ensuite en 720 km de canaux et de galeries, ce projet fait l’objet de nombreuses critiques. Outre son coût pharaonique - estimé à près de 8 milliards d’euros –, de nombreuses associations de l’environnement ainsi que des mouvements sociaux, religieux et communautaires assurent en effet que le détournement de 1,4 % des eaux du fleuve aura de graves conséquences économiques, sociales, environnementales et culturelles. 

Le drame du Sertao

Le sujet, il est vrai, est sensible. Car la sècheresse qui frappe régulièrement la région du Sertao (2) est un phénomène étroitement lié à l’histoire et à la structure économique et sociale du Brésil. Avec des conséquences souvent dramatiques en termes de vies humaines et des exodes massifs de populations vers les grandes villes du pays et ses favelas misérables. D’où l’évocation régulière, depuis... 1877, de la transposition du fleuve Sao Francisco. Un projet que Lula, originaire lui-même du Sertao, a fait sien en affirmant que son « vœu le plus cher est de donner une chance à 12 millions d’êtres humains de vivre enfin dignement ». Une volonté partagée sur le fond par les opposants au projet de transposition. Mais pas sur la forme. « L’objectif de rendre l’eau accessible à tous grâce à la transposition est un énorme mensonge, dénonce ainsi Ruben Siqueira, responsable du dossier au sein de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), chargé de l’articulation des mouvements de défense du bassin du Sao Francisco et proche soutien de Mgr Cappio. Car le gouvernement se garde bien de dire qu’avant d’atteindre les populations concernées, ce projet est d’abord destiné à irriguer des terres qui appartiennent à des multinationales désirant développer une agro-industrie pour produire des biocarburants. » La région effectivement est stratégique. Car ce que l’on appelle encore aujourd’hui le « Polygone de la sécheresse » pourrait bien devenir à terme un véritable éden pour les agro-industriels en quête d’immenses étendues pour produire de la canne à sucre. Une matière première destinée à fabriquer l’éthanol, un biocarburant dont le Brésil est déjà le premier producteur mondial avec les États-Unis. Cette hypothèse est plus que sérieuse au regard des grandes manœuvres récentes. C’est le cas par exemple de l’accord signé en juillet 2007 entre, notamment, Petrobras, la compagnie nationale des pétroles, les gouverneurs des États du Pernambouc et de Bahia et deux multinationales japonaises (Itochu et Toyota) pour développer la culture de la canne sur quelque 150 000 hectares « irrigués ». Ces tonnes de matières premières permettraient ainsi d’alimenter entre cinq et sept usines de transformation de la canne en alcool, construites localement. Le tout pour un investissement estimé à 3 milliards de dollars. Sans aucun financement public. 

Réserves indiennes

Mais il y a pire. Car, d’après de nombreux experts en hydrologie, le détournement des eaux pourrait assécher les régions qui se situent en aval du fleuve et compromettre l’équilibre vital de centaines de milliers de personnes, en particulier les populations vivant directement et indirectement de la pêche. Autre point important : les canaux vont traverser des réserves indigènes. « Or, la loi exige que les populations soient consultées pour tous travaux sur leurs terres, rappelle Maria Tumbalalá, porte-parole de la tribu des Tumbalalá, dont l’un des deux canaux devrait traverser la réserve. Et cela n’a pas été fait. Donc ce projet est illégal. » Illégal mais bien réel. D’autant que l’Institut brésilien de l’environnement, des ressources naturelles et renouvelables (Ibama) a donné, en mars 2007, son accord pour le début des travaux, mis en œuvre par l’armée. Au-delà du non-respect de la loi, Mgr Luiz Flavio Cappio considère cette présence militaire comme « offensante et insupportable ». L’évêque a d’ailleurs prévenu que « l’arrêt immédiat des travaux et le départ des soldats seraient un préalable à tout dialogue avec les autorités ». L’avertissement a été accueilli par les visiteurs du jour dans un silence respectueux. Un silence à peine rompu par des conversations à voix basse, où se mêlaient admiration et colère.


 Jean-Claude Gerez

1) Mgr Luiz Cappio avait observé une première grève de la faim entre le 24/09 et le 4/10/2005.
(2) Le « Polygone de la sécheresse » est une étendue d’environ 900 000 km2 située au nord-est du Brésil, que le gouvernement fédéral redéfinit chaque année en fonction des évolutions climatiques.

© Témoignage chrétien 2006

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