Le pétrole cher bouleverse l'agriculture. Le recours aux biocarburants fait toucher des prix record.
Reflet de besoins mondiaux en constante augmentation et deux années de très mauvaises récoltes, l'élévation générale des prix agricoles masque un phénomène plus discret, nourri par le renchérissement du pétrole.
Celui d'une «déformation des prix relatifs» comme disent les économistes. Un phénomène accentué par le recours croissant aux biocarburants, qui viennent brouiller la valeur attachée à chaque produit alimentaire.
Aux Etats-Unis, la loi sur l'énergie signée par le président Bush requiert ainsi, d'ici à 2022, une multiplication par cinq des objectifs de production d'éthanol - déjà ambitieux - visé en 2012.
Premier concerné, le maïs a vu son prix toucher mercredi un plus haut en onze ans à Chicago. Les biocarburants amplifient ainsi l'impact des besoins alimentaires croissants du Nouveau Monde. «La possibilité que la Chine devienne importatrice de maïs pour la première fois depuis plus d'une décennie augure bien de l'appréciation des cours en 2008», préviennent les spécialistes de Deutsche Bank à Londres.Le renchérissement de 17% du maïs l'an dernier - après une envolée de 81% en 2006 - incite les agriculteurs à réduire les champs dédiés à d'autres cultures. Les «farmers» du Midwest n'auront ainsi jamais autant semé de maïs depuis 1944... alors que les surfaces emblavées en soja n'ont jamais été aussi réduites depuis douze ans. Résultat, ces graines, ont vu leur prix exploser de 80% à Chicago en 2007 pour atteindre un plus haut en trente-quatre ans.
Le soja entraîné en hausse par le maïs.
A Paris, le colza s'est apprécié de 65% depuis le printemps dernier. «Une hausse directement liée au soutien apporté aux biodiesels en Europe», confirme Emmanuel Jayet, spécialiste des marchés agricoles chez BNP Paribas (BNP.PA) à Paris.
Les huiles végétales touchées A Kuala Lumpur, l'huile de palme a touché un record, jeudi. Distillée en biodiesel, celle qui était la moins chères des huiles alimentaires s'est appréciée de 54% en un an. Son principal substitut, l'huile de soja, réagit par ricochet: il n'a jamais valu aussi cher depuis octobre 1974. Là encore, la croissance exponentielle des besoins alimentaires représente la face cachée de l'iceberg: en un an les importations chinoises d'huiles végétales se sont envolées de 30%. Source Le Temps. Pierre-Alexandre Sallier Samedi 5 janvier 2008